Les Français ont une approche nuancée de l’intelligence artificielle

Plutôt attirés par les sciences et techniques

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Mathilde Saliou

Publié dans

Société numérique

26/03/2024 6 minutes
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Les Français voient l’IA comme une révolution technologique peu avare en risques, selon le troisième baromètre de l’esprit critique d’Universcience.

On en parle, on y verse des fonds, mais quel est le rapport de la population française à l’intelligence artificielle ? C’est l’une des questions à laquelle a cherché à répondre l’établissement public Universcience (qui réunit la Cité des sciences et le Palais de la découverte) dans son troisième baromètre de l’esprit critique.

Outre analyser le comportement des Français face aux sciences (avec des résultats surprenants, des disciplines comme l’ostéopathie et l’astrologie étant plus souvent qualifiées de sciences par les 2004 personnes interrogées début février 2024 que la sociologie, l’écologie ou l’économie), l’enquête se penche aussi sur leur rapport à l’esprit critique, leurs manières de s’informer et, donc, leur vision de l’IA et de ces dernières itérations génératives.

© Universcience / OpinionWay

Une vision nuancée de l’intelligence artificielle

Résultat des courses : près de deux sondés sur trois voient dans l’IA une révolution technologique aussi importante que l’imprimerie (61 % pour la population générale, 70 % pour les moins de 34 ans). Mais ils sont aussi 85 % à considérer sa réglementation nécessaire.

En termes de capacités, 68 % des personnes interrogées déclarent que ces machines ne doivent pas prendre de décisions de manière autonome, 59 % qu’elles ne présentent aucun caractère créatif ou innovant, dans la mesure où les machines sont entraînées sur des informations préexistantes.

En termes d’effets sur différents domaines de la société, les interrogés répondent presque systématiquement que ces technologies présentent « autant de risques que d’avantages » – avec encore plus de risques (37 %, contre 31 % d’ « autant de risques que d’avantages ») dans les relations humaines.

Dans la santé, les sciences et les transports, ce sont les avantages qui arrivent (respectivement à 29, 28 et 26 %) juste après la vision nuancée. Les capacités des IA sur des tâches précises sont en revanche plébiscitées : les trois quarts des répondants se fient à ces machines pour détecter des erreurs, 73 % pour analyser de grandes sommes de données, et 64 % pour écrire un texte. Ils sont aussi 70 % à se fier aux IA pour trouver des informations.

L’IA générative est d’ailleurs utilisée dans 68 % des cas pour trouver de l’information, 61 % pour de la traduction, et 59 % de la rédaction de texte, mais huit répondants sur dix s’interrogent aussi sur la fiabilité des résultats – une proportion égale à celle des usagers qui déclarent comparer les résultats obtenus à ceux d’autres sources. Ces derniers chiffres sont à considérer en sachant que seulement un quart des personnes interrogées ont déjà utilisé ce type d’outils (dont 46 % des moins de 24 ans), tandis que 65 % en avaient déjà entendu parler (majoritairement des hommes, à 70 %, et des CSP+, à 77 %).

Quant à savoir vers qui se tourner pour évaluer au mieux les risques et bénéfices de l’IA, les sondés citent avant tout les scientifiques (à 68 %), les musées et centres de culture scientifique (59 %) et les journalistes scientifiques (56 %), loin devant les entreprises (34 %), en particulier celles du numérique (29 %) ou même les élus et représentants politiques (22 %).

Un grand intérêt pour les sciences

Plus largement, le baromètre d’Universcience constate que les sujets scientifiques intéressent 69% des personnes interrogées, soit une part plus large que le sport (une personne sur deux) ou la politique (deux sur trois). Les domaines qui intéressent le plus sont la santé, pour 41 % des répondants et le climat et l’écologie, pour 31 % d’entre eux (cette dernière discipline étant plus abondamment citée par les répondants qui se classent à gauche).

Certaines disciplines présentent par ailleurs des disparités de genre notable, le numérique et l’IA intéressant plus les hommes (36 %) que les femmes (16 %), de même que l’énergie et le nucléaire sur lesquels les hommes se renseignent plus régulièrement (à 36 %) que les femmes (15 %). Les femmes s’intéressent de leur côté un peu plus que les hommes à la médecine (44 % contre 38 %), la zoologie (29 % contre 23 %) et la botanique (27 % contre 17 %).

Universcience souligne l’existence de quatre groupes de populations aux pratiques différentes face à la science : 8 % de « distants » (plus âgés, avec une plus forte représentation de 50-64 ans) et 42 % d’ « irréguliers » (plus féminins), globalement plus souvent issus des catégories populaires et présentant peu ou pas de diplômes. Les « intéressés » (36 % du panel) et les « passionnés » (14 %) sont de leur côté plus souvent masculins, diplômés et CSP+, les passionnés étant aussi plus souvent parents de jeunes enfants.

Globalement, le Baromètre montre que les plus jeunes (les 18-24 ans) ont des pratiques scientifiques plus élevées que la moyenne (79% s’informent régulièrement sur ces sujets contre 62 % de la population générale, par exemple). Ils accordent aussi plus facilement que le reste de la population le statut de science à l’ensemble des domaines qui leur sont présentés, y compris à des domaines relevant de la pseudoscience, comme l’homéopathie (9 points de plus que la population générale) ou l’astrologie (13 points de plus).

Et l’esprit critique, dans tout ça ?

Le but du baromètre est aussi de s’intéresser aux pratiques informationnelles des Français et à leur perception de l’esprit critique. De fait, les trois quarts déclarent en avoir (contre 25 % qui disent de pas en avoir ou ne pas se prononcer). Et de définir l’esprit critique par l’exercice d’un raisonnement logique et rationnel, à 44 %, le fait de s’informer avant de prendre position (à 42 %) et la capacité à débattre avec des personnes aux opinions différentes, à 41 %. Seulement 14 % estiment important de se méfier de ses propres intuitions, et 16 % de remettre en question la parole des autorités.

Cela dit, et de manière très ambivalente, 46 % des interrogés déclarent préférer échanger avec des personnes qui partagent leur opinion, et 45 % déclarent le contraire. Ces débats ont principalement lieu entre amis, pour deux personnes sur trois, dans les repas de famille (59 %) voire au travail (41 %), et pas tellement sur les réseaux sociaux (22 %).

En matière d’information, internet (hors réseaux sociaux) et la télévision restent les principales sources pour 71 % et 67 % des personnes interrogées. Pour évaluer la fiabilité d’une information, les sondés mettent en avant le média dont elle est issue (pour 39 %), le contenu de l’argumentation (37 %), et les références à d’autres sources (35 %). L’attention portée à l’indépendance du média progresse de 7 points, citée par 29 % des personnes interrogées.

Écrit par Mathilde Saliou

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Sommaire de l'article

Introduction

Une vision nuancée de l’intelligence artificielle

Un grand intérêt pour les sciences

Et l’esprit critique, dans tout ça ?

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Commentaires (6)


Sidenote : ça me fait mal de voir que 1/3 des Français pensent que l'homéopathie et l'astrologie sont des sciences... J'en suis tout flagada.

De fait, les résultats de la question "à quelle fréquence effectuez-vous ces activités scientifiques suivantes" sont j'imagine assez peu pertinents.
Je pense que pour l'astrologie, il y en a qui confondent avec l'astronomie qui n'est pas citée. Par contre, l'astrophysique l'est mais ça doit moins parler aux gens.

Et pour l'homéopathie, ce n’est pas surprenant, n'oublions pas que Boiron est un fleuron de l'industrie "pharmaceutique" française qui œuvre pour que cette croyance perdure. Et la Sécurité Sociale a longtemps remboursé les médicaments homéopathiques (jusqu'en 2021 !). Et il y a des médecins homéopathes !
Je suis pas étonné.
Tout comme l'ostéopathie, chiropractie, acupuncture, aromathérapie, naturopathie, sophrologie, anthroposophie, psychanalyse, etc
Ce sondage ne définit pas ce qu'est l'IA. Dans la tête des gens, il s'agit d'une entité au capacité presque illimté type terminator, matrix quelle soit bonne ou mauvaise.

Actuellement, on en est très loin. On à plus un ensemble de processus statistique bien bète qu'une IA cohérente et intelligente capable de tenir un raisonnement. Les IA génératives qui font le buzz en ce moment sont pour moi une évolution des moteurs de recherche permettant à monsieur tout le monde d'effectuer des recherches de manière naturelle au lieu d'apprendre une synthaxe particulière.
Cela se fait malheruesement en se plaçant en intermédaire entre la source de données (site web) et l'utilisateur. De ce point de vue je n'y vois pas une avancée transcendente.

Du coups, je trouve le sondage pas vraiment pertinent.
Et surtout on passe deS résultatS d'une recherche sur Google ou autre à un unique résultat possiblement très subjectif voir orienté. Combien de fois on constate que la réponse que l'on cherche se trouve à la 8ème ou 10ème place !
Je trouve que c'est intéressant, ça soulève plein de questions, malgré encore et toujours l'échantillon ridicule non représentatif.
- que des pratiques scientifiques ne le soient pas perçues comme telles
- sur les avantages et risques c'est ridicule, sans avoir une vision du domaine et de ses sous-domaines c'est du vent, par contre révélateur des sujets qui impactent le plus l'opinion publique
- la fiabilité de l'information : reprise de l'information 30% le troupeau quoi, c'est assez énorme
- les débats entre amis, famille et travail, surpris pour ma part, mais bon je n'ai qu'une famille, difficile de comparer et débattre avec ses tripes avec ses amis est le meilleur moyen de les perdre, d’où les réseaux sociaux
- 70% de TV, rien d'étonnant il y a plus de 60+ans que de 20-ans, on aura peut-être le déclin de la TV dans 25ans